Il a eu l’existence de ceux qui existent plus
Ceux qui portent en eux l’infini et bien plus
La mémoire des pays, la mémoire des campagnes
De ceux qui ont fait la guerre puis les camps d’Allemagne
De ces gens là qui ont le courage dans le cœur
Pas besoin de légion pour ceux qui ont l’honneur
Au fond des yeux de ceux dont on sait les profonds
Les profondeurs de ceux qui ont les yeux du charbon
De ceux à qui la vie n’a rien donné d’offert
De ceux qui ont dû se battre pour protéger leur terre
Pour protéger leur terre et puis la terre des autres
La mienne et puis la tienne, puis comment dire la nôtre
Ceux-là à qui la vie toujours n’a fait que prendre
Mais qui se sont battus s’échinant à reprendre
Pour mettre dans l’assiette des enfants de l’exil
Un peu d’espoir peut-être et puis les terres d’asile
Mohamed, Mohamed, c’est mon prophète à moi
C’est tel hajj c’est celui qu’on appelait Bouhia
Mohamed, Mohamed, c’est le père de ma mère
Il s’appelait Bouhia et c’était mon grand-père
Le grand-père, le grand-père, le grand-père est parti
C’est un siècle d’histoire qui rejoint l’infini
De ces histoires, de ces voyages au bout des nuits
Qui prennent des bateaux pour construire des pays
Il a tenu cent ans comme tiennent les vieux chênes
Les oliviers le savent ils connaissent la peine
Des destins qui traversent et contrent tous les vents
Qui tiennent comme un phare au-devant les courants
De ces générations qui mettaient pas des voilent
Aux gueules de leurs jeunes filles, au visage de ma mère
De ceux qui gardaient leur intérieur au fond d’eux
De ceux là qui savaient ce que vous font les guerres
Il était dix-neuf-cent seize on y revient
Sur les terres Zemmora, sur les terres des destins
Qui sont nés d’un pays puis qui ont fini d’un autre
Ceux qui toujours du cœur resteront les apôtres
Il avait fait trois guerres pour finir à l’usine
L’écorce populaire qui vous marque l’échine
Les camps d’Allemagne et puis les tristes de l’Indochine
Le retour au pays puis la guerre d’Algérie
De ces chairs que l’ont placent toujours en premières lignes
Puis qu’on rappelle un jour pour rejoindre la mine
De ceux là dans l’oubli qui construisent nos pays
Puis qui rossent leurs fils qui parlent mal aux mairies
A Djamel, à Nacer, à ma mère, à Benaouda
A Mok, Rachida, à Lili, à Nadia
A ma grand-mère puis a le monde entier je crois
A mon grand-père comme on dit chez nous à Bouhia
Mohamed, Mohamed, c’est mon prophète à moi
C’est tel hajj c’est celui qu’on appelait Bouhia
Mohamed, Mohamed, c’est le père de ma mère
Il s’appelait Bouhia et c’était mon grand-père
Le grand-père est parti, le grand-père est parti
C’est un siècle d’histoire qui rejoint l’infini
De ces histoires, de ces voyages au bout des nuits
Qui prennent des bateaux pour construire des pays
Toi qui as eu l’existence dont on fait les romans
Les épopées des guerres des épopées du temps
Toi qui venais des siècles oui des guerres à chevaux
Te voilà au printemps reparti pour là-haut
Toi qui as tenu cent ans comme tiennent les vieux chênes
Saches qu’à ton jardin aux murmures de nos peines
Les oliviers te chantent comme on chante un héros
Ta légion d’honneur toi tu l’as dans la peau
T’avais séché ta larme quand t’avais vu télé
Oui la légion d’honneur pour des stars de ciné
Toi qui l’as jamais eu, c’est normal c’est ainsi
Oui que marche le monde comment dire nos pays
En toute humilité si nous chantons ton nom
Dans les villes comme un chant d’éternelles oraisons
Dans les villes du pays pour qui t’as fait trois guerres
Si nous chantons ton nom comme on fait la prière
C’est pour te rendre un peu, même si ridicule
Je ne pourrai jamais te rendre le pécule
De cette histoire que toi tu as semé un jour
Toi qui avais pris l’aller sans le billet retour
C’est pour vous dire à tous mes amis, ma famille
Que si moi j’ai la chance de faire des feux qui brillent
C’est parce qu’un jour un homme a traversé la mer
Comme hymne à la vie et c’était mon grand-père
Toi le sourire du vieux, toi le cœur de l’enfant
À toi qui priais Dieu pour combattre le temps
À toi le cœur du vieux au sourire de l’enfant
Te voilà dans les cieux au souffle du printemps
Nous te disons adieu ou plutôt aurevoir
En revoyant tes yeux qui nous content des histoires
De notre histoire commune puis de l’histoire de l’homme
Les racines de ces chênes qui font l’humain en somme
Je te dis dernier mot avant que le silence
Je te dis dernier mot avant oui ton absence
Ne m’emporte mes mots au souffle du printemps
Emporte ton radeau dans les brumes du temps
Dans ton dernier voyage si tu vois de là-haut
Puisque c’est à la terre que retournent nos sanglots
Saches bien que tu as planté dans ce bas monde
Ces choses qui vous disent bien plus loin que les tombes
Là où tu es parti nous laissant orphelins
Nous laissant triste nous, l’océan dans nos mains
Je sais que tu m’entends d’où tu es le héros
Toi le père de ma mère, je te dis à bientôt
Mohamed, Mohamed, oui c’était mon grand-père
Mohamed, Mohamed, il avait fait trois guerres
Mohamed, Mohamed, toi le père de ma mère
Je sais que brûlera à jamais ta lumière